Les conservateurs, maintenant majoritaires, face au changement climatique

Publié par Gabriel Parent-Leblanc , en date du: 5.5.11

Changement climatique, Gouvernement conservateur, Nouveau parti démocratique, Protocole de Kyoto, Élections fédérales 2 mai 2011, Émissions de gaz à effet de serre (GES).
Quelques jours après l'élection fédérale du 2 mai 2011, je suis amèrement déçu; malgré le fait que 60 % des Canadiens aient voté contre les conservateurs, nous nous retrouvons avec un gouvernement conservateur majoritaire. Malgré un effort historique du Québec pour contrer les conservateur (la fameuse vague orange du NPD), les conservateurs se retrouvent tout de même en contrôle de la chambre des communes. 

C'est évidemment une nouvelle épouvantable pour l'environnement qui sera relégué a un statut de négligé. Le présent article fût écrit pour le magazine Vitalité Québec en décembre dernier, mais ne pourra pas être publié. J'en profite donc pour le publier sur Écoactualité.

Ce dernier porte sur l'élimination du projet de loi C-311 par les conservateurs, projet de loi qui portait sur une cible d'élimination des émissions de gaz à effet de serre du Canada. Si les conservateurs ont fait autant d'efforts pour éliminer ce projet alors qu'ils étaient minoritaires, pensez un peu à quel point la nouvelle position du Canada sur le réchauffement climatique sera pathétique...

« Le 17 novembre dernier, les Canadiens ont eu une surprise de mauvais goût: le sénat canadien, dominé par des sénateurs conservateurs, a éliminé le projet de loi C-311 du NPD (Nouveau Parti Démocratique). Ce dernier avait pour sujet des cibles à respecter par rapport à la réduction des gaz à effet de serre qui, je le rappelle, sont la principale cause du réchauffement climatique. Actuellement, comme mentionné dans ma chronique de la précédente parution de Vitalité, le Canada se devait de réduire ses émissions de GES de 6% pour 2012 (protocole de Kyoto). Or, en 2008, nos émissions avaient augmenté de 24%. Des mesures se doivent donc d'être prises et je croyais réellement que ce projet de loi pouvait faire avancer les choses. Malheureusement, les conservateurs, qui ont toujours été contre ce projet de loi, ont pu l'éliminer grâce au sénat, même si le projet de loi avait été accepté en chambre des communes. Le problème ici, c'est que le projet de loi a été éliminé sans aucun débat à l'aide d'un comité d'étude, comme c'est le cas habituellement. De plus, les sénateurs sont nommés par le premier ministre; ils ne sont pas élus comme les membres de la chambre des communes. Ce qui fait que ce projet de loi fut envoyé aux oubliettes par des personnes élues de façon non-démocratique.  Une vraie honte pour notre société...

Un résumé des chiffres en matière de réduction des émissions de GES
La réduction des émissions de GES pour le Canada, d'un point de vue statistique, est plutôt complexe de par le nombre de données en jeu. Voilà pourquoi j'ai préparé ces tableaux qui résument le tout: 

Tableau 1: Cibles de réduction des émissions de GES selon les divers scénarios

Tableau 2: Émissions de GES du Canada et du Québec en 1990, 2005 et 2008


La première chose que l'on voit grâce à ces tableaux est que la cible des conservateurs actuellement est complètement ridicule. Le fait de prendre l'année 2005 au lieu de 1990 comme référence pour la réduction des GES réduit de beaucoup la cible. Le total des émissions de GES permis par cette cible est d'ailleurs 9% plus élevé que ce que Kyoto demande! Tandis que les conservateurs jouent dans le bitume, le projet de loi aurait eu pour effet de réduire nos émissions de GES de 25% d'ici 2020 et de 80% d'ici 2050. Des cibles audacieuses, mais nécessaires dans un contexte où de plus en plus de pays se dotent de plans d'action face au réchauffement climatique. Du point de vue du Québec, chapeau aux libéraux dans ce dossier. Nos émissions sont restées stables entre 1990 et 2008 et la cible est de les diminuer de 20% d'ici 2020.

Le sénat canadien
Le NPD a travaillé fort pendant 4 ans pour produire ce projet de loi, qui fût éliminé en une journée par des sénateurs non élus. C'était la première fois depuis 1925 qu'un projet de loi était amendé par le sénat sans même qu'il y ait un comité d'étude pour discuter de la chose. En tout, depuis 1867 et l'entrée en vigueur de la Loi constitutionnelle actuelle du Canada, seuls 4 projets furent adoptés à la chambre des communes, mais défaits au sénat. On parle donc d'un évènement qui n'arrive pas souvent. Pourquoi, donc, une telle tournure des évènements? C'est simple: les conservateurs ont toujours été contre le projet et étant minoritaires à la chambre des communes, ils ne pouvaient rien y faire. En effet, les libéraux, le NPD et le Bloc Québécois étaient tous en faveur du projet, avec raison. Cependant, depuis quelque temps maintenant, les conservateurs dominent le sénat, qui compte 105 sénateurs. Effectivement, depuis son entrée au pouvoir, Stephen Harper a nommé pas moins de 37 sénateurs conservateurs pour en arriver à 54 contre 46 pour les libéraux. Ils contrôlent maintenant le sénat et tout projet ne faisant pas leur affaire sera éliminé. C'est beau la démocratie non?

Bref, le Canada aurait pu se doter d'un moyen de réduire ses émissions de gaz à effet de serre et ainsi réduire son empreinte écologique. Mais les conservateurs, qui ont des intérêts trop peu cachés dans l'industrie de l'exploitation des sables bitumineux (industrie qui rejette à elle seule 5% de toutes nos émissions de GES) ont décidé de maintenir le statu quo et de ne rien faire par rapport au changement climatique. Il est donc aisé de constater que l'élimination du projet de loi C-311 est une insulte des conservateurs face au peuple canadien, par rapport au système démocratique et par rapport à la qualité de l'environnement. Rien de moins. »